Tâche 2.2 : Hydrogéodésie
Le principe
Lorsque l’eau, le vecteur préférentiel des transfères de flux et d’énergie au sein de la Zone Critique (ZC), s’écoule à travers les compartiments de sub-surface, le squelette rocheux se déforme. L’amplitude des déformations que subit le milieu n’est pas perceptible pas l’Homme et dépend essentiellement de la magnitude des gradients de pression de fluide souterrain, ainsi que des propriétés physiques et structurales des roches réservoirs. Toutefois, il existe des capteurs particuliers pour enregistrer depuis la surface terrestre les changements de forme du milieu associés à la dynamique des flux de sub-surface. Ainsi, il est théoriquement possible, en reliant mesure de déformation et mesure de charge hydraulique, de décrire les propriétés des réservoirs et d’en analyser le fonctionnement (fig. 1).
Dans le WP2.2, nous avons évalué le potentiel et la sensibilité de certains instruments géodésiques en tant qu’outils de caractérisation des propriétés du sous-sol et des processus liés à la circulation de fluides à plusieurs échelles d’espace et de temps (fig. 2). L’approche s’est également fondée sur un développement méthodologique afin d’identifier la façon optimale d’utiliser ces outils et d’analyser leurs données pour « tâter le pouls » de la ZC.
Les outils géodésiques et le contexte
Il existe de nombreuses manières de mesurer les mouvements de la surface du sol. Ici, les instruments choisis sont les inclinomètres, qui n’enregistrent pas directement les déplacements verticaux du sol mais plutôt les variations du gradient de pente dans une direction, soit un angle (en radians). Ils ont l’avantage d’être sensibles à des déformations infimes de la surface (soit des variations d’angle, ou tilt, équivalents à 1 mm sur une base de 1000 km) !
Plusieurs de ces instruments sont installés et opérationnels en continu sur le site de pompage de l’observatoire hydrogéologique de Ploemeur (H+), situé dans un contexte de socle fracturé. On distingue les inclinomètres hydrostatiques longue-base (fig. 3 & 4), très stables et précis, des inclinomètres pendulaires courte-base, facilement déployables lors d’expériences ponctuelles.
Les expériences hydromécaniques en milieu fracturé
A l’échelle de 1 à ~10 m, les inclinomètres courte-base (ou pendulaires) ont été mis à profit dans le cadre d’un développement expérimental et méthodologique visant à étudier le comportement mécanique de fractures naturelles, avec une vision intégrative de leur réponse face à une perturbation hydraulique périodique et de faible amplitude. En effet, les variations de pression induisent des changements d’ouverture des fractures, et cette déformation se répercute jusqu’à la surface où sont positionnés des inclinomètres pendulaires. Ces derniers ressentent donc indirectement l’effet mécanique des oscillations en pression. Grâce à la nature fréquentielle du signal et à l’aide d’un traitement approprié, des amplitudes de tilt faibles dues au forçage hydraulique ont pu être décelées et interprétées en terme de propriétés et comportement mécaniques des fractures. Cette approche expérimentale inédite est le fruit d’un développement transversal entre les WP 2.2 et 7.2.
A l’échelle hectométrique, les premiers travaux démontrent l’intérêt des méthodes géodésiques de surface (inclinomètres et nivellement) pour imager les structures hydrauliquement actives comme les failles sub-verticales (fig. 5). Depuis, nous avons révélé à l’aide d’un modèle numérique 3D que l’évolution temporelle du tilt dépend tout particulièrement des contrastes de propriétés mécaniques et hydrodynamiques entre la faille et la matrice de l’encaissant. Plus surprenant, nous avons remarqué que le rapport temporel de l’inclinaison sur la charge piézométrique lors d’un test hydraulique de plusieurs heures permet de distinguer l’effet des écoulements dans les deux compartiments (faille et matrice respectivement). Ces résultats inscrivent définitivement les inclinomètres au rang des outils performants pour la caractérisation hydrogéologiques des milieux fracturés.
Le suivi long-terme des déformations pour étudier la dynamique saisonnière d’un aquifère de socle ainsi que sa recharge
A l’échelle du réservoir fracturé dans son ensemble (~ km), les séries clinométriques pluriannuelles sont bien corrélées avec les variations piézométriques saisonnières quasi-périodiques, à ceci près qu’elles sont en avance de phase d’environ 1 mois. Ces observations montrent encore qu’à cette échelle, les inclinomètres sont sensibles aux flux, ce qui présente un intérêt majeur pour les problématiques associées à la recharge. L’interprétation des observations à l’aide d’un modèle hydromécanique semi-analytique a priori très simple permet non seulement de reproduire les amplitudes inclinométriques et piézométriques, mais aussi le déphasage. Les inclinomètres sont également sensibles aux modalités de la recharge (ponctuelle versus diffuse). A terme, l’idée est d’inverser les données de déformation pour directement estimer la quantité d’eau météorique annuelle qui alimente la nappe.